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L'Enchantement, roman
Calmann-Lévy,
1994
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À
l'époque où j'ai
écrit L'Enchantement,
il m'arrivait d'être le «
nègre » de
célébrités. J'ai voulu tout
simplement en inventer une qui, pour une fois, ne me décevrait
pas...
Quelques détails de mon personnage Sadruddin -dont son palais
d'Assouan, son origine et sa fonction religieuse- sont inspirés
de
l'Aga Khan III, chef des Ismaélites de 1885 à 1957. |
Dans
son palais
d'Assouan,
après une vie de fastes et d'aventures, le vieux prince
Sadruddin
consacre ses derniers jours à l'établissement de ses
Mémoires. Un nègre
professionnel, Paille, recueille les souvenirs qui nourriront cette
autobiographie. Peu à peu, à côté de sa
volonté d'édifier sa propre
légende, le prince révèle, à condition que
Paille ne les divulgue pas
au public, quelques-uns de ses secrets, ses désirs singuliers,
la
violence de ses passions, son étrange rapport au divin et,
finalement,
la vérité de sa naissance. |
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Nous sommes entrés dans la
grande
salle vitrée, illuminée de soleil, qui donnait sur la
plage et la mer. Par le blanc immaculé et le bleu ciel des murs
et du mobilier, les propriétaires y protégeaient la pure
flamme grecque des assauts pouilleux d'une Égypte contemporaine.
Le Zephyrion était une presqu'île grecque, rutilant
échantillon d'île égéenne à
l'extrême bord d'un pays lépreux. Y avaient abordé,
ce jour, quelques connaisseurs : diplomates des consulats d'Alexandrie,
résidus un peu décatis de familles italiennes ou
grecques, bourgeois proprets de l'Égypte libérale. Entre
les
tables se pressaient des serveurs en veste blanche. Le prince s'est
dirigé sans hésiter mais à petits pas,
essoufflé, vers une table près d'une fenêtre. Nous
nous sommes assis l'un en face de l'autre. Il voyait la mer, je voyais
la plage. Amiraly, qui connaissait la formule, est allé choisir
le poisson exposé près des cuisines.
« Là
où nous sommes assis, m'a dit le prince,
exactement, à cet emplacement ou bien à quelques
mètres, plus près de l'eau, des hommes et des femmes sont
venus durant sept siècles prier Aphrodite, la déesse de
l'amour, ou lui rendre grâces. Ici même, devant cette
plage. Ce petit promontoire s'appelait Zephyrium, car on y
goûtait mieux qu'ailleurs la fraîcheur des vents. Les
Alexandrins y avaient élevé un temple dédié
à Aphrodite, dont il restait encore une base de colonne,
là-bas dans les rochers, lorsque je suis venu pour la
première fois. Et c'est ici que Bérénice,
princesse de Cyrène, épouse du troisième
Ptolémée, offrit en sacrifice à la déesse
une boucle de ses cheveux,afin que son mari bien-aimé revienne
vivant de la guerre. Et c'est d'ici que cette chevelure de
Bérénice, ce signe d'amour, s'échappa vers le ciel
pour donner naissance à une constellation d'étoiles.
D'ici même, monsieur Paille. C'est pourquoi la lumière qui
entre dans ce restaurant, très particulière et toujours
la même, ne vient pas du soleil mais de la chevelure stellaire de
Bérénice, et c'est pourquoi on y tombe fréquemment
amoureux. »
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Avec
l'élégance d'une écriture
majestueuse et simple à la fois, il sait traduire les
émotions secrètes
qui guident nos actes et nos goûts pour nous conduire vers des
visions
où le temps n'a plus cours et où la beauté doit
savoir se saisir dans
l'éphémère beauté de l'instant. Les
surprises de ce roman sont loin de
n'être que celles annoncées et si l'enchantement qu'il
procure mérite
bien le titre qu'il porte, il ouvre des voies bien précieuses et
bien
curieuses sur l'art d'apprendre à vivre et à mourir, une
philosophie de
prince en quelque sorte à la portée d'un enfant.
Serge Safran, Magazine littéraire. |
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Peu
à peu, le vieux
prince se dépouille de ses masques. Des
révélations
douloureuses, inavouables, fascinantes donnent au récit
l'atmosphère
magique d'un conte oriental, cependant que Sadruddin, à bord
d'une
felouque blanche, remonte le Nil comme on remonterait le temps. (...)
Comme dans Saad et Intérieur bleu,
Alain Blottière capte, magnifiquement, les vibrations de la
lumière,
les couleurs changeantes des rives, de l'aube à la nuit, la
dérive
d'une jacinthe d'eau emportée par le courant.
Monique Petillon, Le Monde. |
Ce
voyage laisse oublier
son
pittoresque charmant mais finalement accessoire, pour se colorer des
lueurs d'une quête intérieure. La phrase de M.
Blottière, légère et
rêveuse, accentue ses lenteurs, prend de l'ampleur, et tout le
récit
semble adopter l'allure d'un paquebot qui s'éloigne. (...) Les
lignes
et les anecdotes se font de plus en plus simples. Le romanesque s'est
épuré comme l'art religieux du monde arabe se
réduit aux arabesques et
aux calligraphies que le prince contemple avec ferveur (...).
Renaud Matignon, Le Figaro. |
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